sábado, 12 de janeiro de 2008

No sex last year


Agnès n’a pas fait l’amour depuis un an. Elle se dit «en manque» mais aucun homme ne lui plait suffisamment. Aurélien n’a pas fait l’amour depuis un an et demi. Les deux femmes de sa vie, ce sont ses filles, qu’il élève seul depuis son divorce. Agnès et Aurélien font partie de ces «abstinents», les chômeurs du sexe, qui racontent leur histoire dans No sex last year.

La vie sans sexe ? Cela concerne beaucoup de monde en France : selon un sondage Ipsos de 2004, 25% des Françaises et 10% des Français déclarent vivre dans la solitude sexuelle. Certains se sentent laissés pour compte. D’autres se définissent comme des abstentionnistes. Quand le journaliste David Fontaine (au Canard Enchaîné) découvre cet inquiétant phénomène, il décide d’enquêter. Six femmes et six hommes se confient à lui. «Ils m'ont raconté leur histoire avec confiance, et j'ai voulu la respecter. L'idée était de de m'abstenir de tout jugement, car j'ai très vite pris conscience de ce que la situation des abstinents involontaires, des gens qui traversent une phase sans sexe dans leur vie à leur corps défendant, est très stigmatisée socialement, comme le montrent des expressions courantes comme "mal baisés", "frustrés", "misère sexuelle", etc.»

Au cours d’entretiens non-directifs, David Fontaine recueille donc les témoignages de 12 personnes qui ont connu une période «sans» d’au moins six mois consécutifs entre 30 et 39 ans. Six mois, c’est la durée à partir de laquelle le fait de n’avoir plus de relation sexuelle commence à inquiéter, à alerter, et dans certains cas, n’est plus vécu comme un simple accident transitoire… Concernant les couples, six mois, c’est la durée retenue par l’Eglise pour caractériser la non-consommation pouvant conduire à l’annulation du mariage. Du point de vue thérapeuthique, six mois sans rapports, c’est aussi le délai critique à partir duquel les sexologues parlent de «couples en crise».

Dans No sex last year, Julien, Pascale, Fumiko, John ou Florence avouent avoir traversé des périodes bien plus longues. Pascale, par exemple, affiche à son «palmarès» dix ans d’une vie sexuelle «quasi inexistante». Elle est «avenante, très sociable, petite, un peu ronde, un sourire pétillant derrière ses lunettes» et la seule chose qui cloche avec elle, c’est qu’elle ne se masturbe pas. Jamais. Ce mot même la gêne. «J’ai entendu dire que ça se fait, mais pour moi, les caresses, ça se fait à deux», dit-elle. Autre exemple : Olga, —réalisatrice de 33 ans «qui parle d’abondance, sans tabou, parfois même très crûment, et ponctue ses longues tirades d’un rire enfantin et communicatif»—, n’a pas fait l’amour depuis quatre ans et demi. Pourquoi ? Elle veut toujours faire jouir l’autre, sans s’occuper de son propre plaisir. Au point d’escamoter son orgasme… qu’elle simule avec art.

John, lui, «œil bleu sombre, le regard franc, très grand et d’allure athlétique», explique ne presque plus pratiquer l’amour physique depuis quatre ans (sauf avec «des putes») parce que «les femmes ça prend trop de temps». Houellebecq, évidemment, il a lu : «C’est un des seuls écrivains honnêtes qui ait osé dire la vérité.» Quant à Pierre, écrivain, grand sentimental, il a fait sa traversée du désert après un divorce : un an sans sexe, parce qu’«il ne peut faire l’amour que lorsqu’il est très amoureux»…

Dans ce livre conçu comme une plongée ethnologique dans les ténèbres du désir, chaque témoignage reste unique. Impossible de tirer aucune conclusion de No sex last year. Impossible de se dire «ça ne m’arriverait pas à moi». Il suffit d’un compagnon castrateur et manipulateur. Il suffit d’un accouchement difficile. Ou d’un viol. Ou tout simplement d’une longue période de déprime.

«J’ai rencontré des gens qui trouvaient intéressants que l'on parle d'eux pour montrer qu'ils ne sont pas isolés et exceptionnels, explique David Fontaine. Malgré le tabou qui pèse sur eux, sur leur situation très dépréciée dans une société de consommation sexuelle où il importe de paraitre dominant, performant, en pleine santé érotique (message indéfiniment répété par la pub et les médias, voire par l'art aussi), ils existent, et souvent ils vivent plutôt bien leur situation, et ne sont pas si malheureux que la société voudrait nous le faire croire. Ils ont bien compris mon optique qui était non militante, mais de les respecter, voire de les réhabiliter, en donnant à lire des témoignages rassurants aux lecteurs pouvant se dire : "Ah, je ne suis pas tout seul dans cette situation..."»

Malgré tout, No sex last year ne fait pas l’éloge de l’abstentionnisme, ni de la chasteté volontaire et encore moins de ce phénomène foireux qu’est l’asexualité (l’absence de tout désir revendiquée comme un droit). Rien de défaitiste dans ce livre, qui joue plutôt le rôle d’un coup de fouet : réveillez-vous. Deux semaines après s’être confié à David Fontaine, un des témoins —Sylvain— revient, «transformé, radieux» annoncer qu’il a trouvé l’âme-soeur. Comme quoi il suffisait d’en parler. On ne parle jamais assez de sexe.

No sex last year, de David Fontaine, éditions Les Petits Matins, en coédition avec Arte Éditions, inclut un CD audio gratuit d’Arteradio.com, 172 p., 18 euros.

Post scriptum de David Fontaine : "Oui, souvent, le simple fait de témoigner leur a permis de voir plus clair. Il n'était pas rare que le témoin, lorsque je lui demandais depuis combien de temps il n'avait pas fait l'amour et que j'insistais pour dater les choses, se mette à compter sur ses doigts, et me dise : "Ah tout de même, huit mois", ou bien : "trois ans en trois périodes sur les cinq dernières années" et prenne alors conscience qu'il s'était installé dans une situation durable. Parfois, l'entretien a même semblé avoir des vertus libératrices, car certains ont fait des rencontres fructueuses peu après... Ce qui prouve bien, une fois de plus, que "Parler pour parler est notre seule délivrance", selon un mot que je trouve très beau du poète romantique allemand Novalis." Fonte Blog 400 culs.

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