Tribunal Europeu abre o caminho à adoção para casais homossexuais
Feu vert pour l'adoption homosexuelle en Europe
Karine (D) et Elodie, un couple d'homosexuelles posent avec leur enfant, le 23 janvier 2006.
LE MONDE
a Cour européenne des droits de l'homme de Strasbourg vient de faire un pas important en faveur de l'"homoparentalité" : dans un arrêt rendu mardi 22 janvier, les dix-sept juges, siégeant en grande chambre, ont condamné la France pour discrimination à la suite d'un refus d'agrément opposé à une homosexuelle qui souhaitait adopter un enfant. "La Cour européenne dit haut et fort, dans cette décision, qu'en 2008, l'homosexualité ne peut plus justifier une différence de traitement juridique quant à la possibilité de devenir parent", résume l'avocate de la requérante, Me Caroline Mécary.
En 1998, Emmanuelle B., une institutrice de Lons-le-Saunier, dépose auprès du conseil général du Jura une demande d'agrément. Agée de 37 ans, elle souhaite adopter un enfant venant d'Asie, d'Amérique du Sud ou de Madagascar. Emmanuelle B. présente sa requête en tant que célibataire, comme la loi l'y autorise, mais elle ne cache pas qu'elle vit en couple depuis huit ans avec une femme, psychologue de profession.
Au terme d'une enquête de plusieurs mois, les services sociaux saluent ses "capacités éducatives et affectives" et soulignent ses "qualités d'écoute, son ouverture d'esprit, sa culture et sa disponibilité". Mais la demande est rejetée le 26 novembre 1998 par le président du conseil général. "Votre projet d'adoption révèle l'absence d'image ou de référents paternels susceptibles de favoriser le développement harmonieux d'un enfant adopté, note-t-il. Par ailleurs, la place qu'occuperait votre amie dans la vie de l'enfant n'est pas suffisamment claire."
Dans un premier temps, ce refus est annulé par le tribunal administratif. "Melle B., dont les qualités humaines et éducatives ne sont pas contestées, qui exerce la profession d'institutrice et qui est bien insérée dans son milieu social, présente des garanties suffisantes, sur les plans familial, éducatif et psychologique pour accueillir un enfant adopté", précisent les juges en 2000. Mais dans un deuxième temps, la cour administrative d'appel de Nancy, puis le Conseil d'Etat, donnent raison au président du conseil général.
"L'absence de référent paternel ou maternel ne pose pas nécessairement problème en soi", affirme la Cour européenne dans son arrêt. Elle estime en revanche que les autorités, en rejetant la demande, ont "opéré une distinction dictée par des considérations tenant à son orientation sexuelle, distinction qu'on ne saurait tolérer d'après la Convention."
La France a donc, selon les juges, violé le principe de non-discrimination inscrit dans la Convention européenne des droits de l'homme. Emmanuelle B. s'est vue allouer 10 000 euros pour le dommage moral et 14 528 euros pour les frais de procédure.
Cet arrêt de principe rendu par la Cour siégeant en grande chambre marque un tournant dans la jurisprudence européenne. Il y a cinq ans, dans une affaire de refus d'agrément opposé à un homosexuel français, la Cour avait estimé que la différence de traitement entre homosexuels et hétérosexuels était avérée mais qu'elle poursuivait un but légitime : "Protéger la santé et les droits des enfants pouvant être concernés par une procédure d'adoption." Mais depuis cette affaire, le contexte international a changé : neuf pays européens admettent aujourd'hui l'adoption par les couples homosexuels.
Cet arrêt qui s'impose aux 47 pays membres du Conseil de l'Europe va obliger l'administration française à modifier ses pratiques. "Les conseils généraux ne pourront plus refuser un agrément en invoquant l'homosexualité du demandeur", note Martine Gross, la présidente d'honneur de l'Association des parents et futurs parents gays et lesbiens (APGL). Mais cette nouvelle jurisprudence, qui vise l'adoption plénière d'enfants abandonnés à la DDASS ou à l'étranger, ne concerne pas l'adoption simple : cette procédure qui s'applique plutôt aux enfants de l'entourage est, en France, fermée aux couples homosexuels depuis une décision de la Cour de cassation de 2007.
L'arrêt de la Cour européenne a remobilisé les partisans de l'homoparentalité : le PS, qui vient de déposer une proposition de loi ouvrant le mariage et l'adoption aux couples de même sexe, a demandé au gouvernement de l'inscrire à l'ordre du jour "sans délai afin que la France tire toutes les conclusions de la condamnation de la Cour". Quant à l'APGL, elle attend désormais le statut du beau-parent promis par le gouvernement en 2008. " La décision de la Cour européenne donne à nos revendications un poids supplémentaire", affirme Eric Garnier, le coprésident de l'APGL.
RÉFÉRENCES | |
EUROPE. Aujourd'hui, neuf pays européens admettent, sous une forme ou une autre (adoption de l'enfant du conjoint, adoption internationale), l'adoption pour les couples homosexuels. Il s'agit de l'Allemagne, de la Belgique, du Danemark, de l'Espagne, de l'Islande, de la Norvège, des Pays-Bas, du Royaume-Uni et de la Suède.CHIFFRES. Selon Patrick Festy, un démographe de l'Institut national d'études démographiques, 24 000 à 40 000 enfants seraient, en France, élevés par un couple homosexuel. L'Association des parents et futurs parents gays et lesbiens estime, elle, qu'en France, l'"homoparentalité" concernerait 300 000 enfants aujourd'hui, 700 000, voire 1 million, dans quelques années. |
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