sábado, 22 de setembro de 2007

"L'impasse" : la défaite vue par Lionel Jospin 2

 Fin août 2006, Lionel Jospin à l'université d'été du PS à La Rochelle. | REUTERS/DANIEL JOUBERT

REUTERS/DANIEL JOUBERT
Fin août 2006, Lionel Jospin à l'université d'été du PS à La Rochelle.

La raison fondamentale de l'échec de Ségolène Royal réside en elle-même. Il tient à sa personnalité. Il était inscrit dans son style de campagne comme dans ses choix politiques. La présidente de Poitou-Charentes n'était pas le successeur de François Mitterrand, comme on l'a dit parfois en invoquant l'intensité de leur ambition respective et comme elle-même l'a suggéré. (…) La campagne de la candidate socialiste a fondamentalement souffert d'une carence de politique, dont on peut donner plusieurs signes.

Le temps laissé à la séquence dite de "campagne participative" a été trop long, retardant le moment des propositions et laissant un vide occupé presque entièrement par le candidat UMP. Ce temps de latence était d'autant plus préjudiciable que la phase de démocratie participative était loin de constituer un authentique mouvement de fond. Les réunions auxquelles participait Ségolène Royal elle-même étaient tout sauf spontanées : intervenants choisis, questions préparées à l'avance et connues, comme à Illkirch ou à Valenciennes.

Quant à l'oratrice, elle ne répondait pas aux questions, mais lisait une intervention. De cette mise en scène surgissait l'impression curieuse de questions sans réponses, puis d'une réponse étrangère aux questions. Sans doute les élus et les responsables socialistes ont-ils tenu de nombreuses rencontres participatives dans tout le pays. Mais la vérité oblige à dire qu'elles ne différaient guère des classiques réunions-débats et que les synthèses faites ensuite, difficiles à classer, n'ont finalement pas inspiré le pacte présidentiel. Dans le même temps, nous l'avons vu, Ségolène Royal construisait son projet et sa stratégie politiques sur des écarts insolites par rapport aux fondamentaux de la gauche. Faire un écart peut se révéler fécond. Mais on ne peut progresser d'écart en écart sans risquer le sautillement intellectuel et la perte de sens.

Ségolène Royal a fondé toute sa campagne – et c'était une première dans l'histoire des candidatures socialistes – non pas sur des grands thèmes politiques, mais sur elle-même et la relation particulière qu'elle était censée entretenir avec les Français. Tout a été conçu, méthodiquement, à partir de sondages et d'études qualitatives, pour entretenir ce qu'il faut bien appeler un mythe. Le soin, pour le moins inédit, mis à donner un sens symbolique à son apparence, à se vêtir de blanc, cette proximité proclamée et cette inaccessibilité organisée semblaient conçus pour provoquer ferveur et dévotion et non pas pour obtenir une adhésion réfléchie. A la fin de la campagne, on entendit même d'improbables formules religieuses ("aimons-nous les uns les autres").

De même, à partir d'intuitions plutôt justes sur l'ordre, l'autorité, la valeur travail, des slogans revenaient sans cesse ("ordre juste", "gagnant-gagnant", "désirs d'avenir", "politique par la preuve", etc.), comme si le martèlement des formules pouvait remplacer les analyses et les démonstrations. A la fin, ces expressions employées jusqu'à l'usure donnaient l'impression de masquer un vide de propositions ou de véritables arguments. Ainsi de "l'ordre juste".

La justice, dans la société, ne saurait être conçue comme un état statique et se recherche dans une dynamique. L'"ordre juste" est une formule fermée sur elle-même avec une inquiétante prétention à répondre à tout. C'est un concept simplifiant et illusoire, car il semble vouloir créer une société figée. Comment oser contester un ordre juste ? Cette formule étouffante ne tient pas compte de la complexité et des contradictions du réel.

Je sais qu'il est de bon ton, au nom des techniques politiques dites "de triangulation", de venir sur le terrain du concurrent pour capter une partie de son identité et de ses électeurs. Mais faut-il se laisser fasciner par l'idéologie de l'adversaire ? Nous avons seulement le devoir d'affronter la réalité, en l'espèce celle de l'insécurité – qui, elle, n'est pas de droite ou de gauche – pour y faire face avec nos valeurs, nos méthodes et nos mots.

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