sábado, 12 de janeiro de 2008

La culture du maïs OGM est suspendue en France

Action de Greenpeace contre les champs OGM. Photo: Greenpeace.
Action de Greenpeace contre les champs OGM. Photo: Greenpeace.


Vendredi 11 janvier, tard dans la soirée, un communiqué de Matignon annonçait la décision d'activer la clause de sauvegarde sur le maïs transgénique de Monsanto MON 810. Ce maïs destiné à l'alimentation animale étant le seul cultivé en France, le moratoire sur les cultures d'OGM est effectif.

Le gouvernement s'appuie sur les "faits scientifiques nouveaux" invoqués par la Haute Autorité sur les OGM, qui concernent la pollinisation croisée entre les cultures et les effets sur la faune. L'Autorité fait également état d'"interrogations" sur les conséquences environnementales, sanitaires et économiques de la culture du MON 810. "Les doutes sur cet OGM ne condamnent pas l'intérêt de cette technologie pour relever les défis alimentaires et environnementaux", ajoute Matignon. Un plan d'investissement de 45 millions d'euros dans les biotechnologies est annoncé.


La mesure a été saluée par les écologistes. L'altermondialiste José Bové a interrompu sa grève de la faim, commencée le jeudi 3 janvier. Monsanto dispose de quinze jours pour présenter ses arguments, avant la transmission du dossier à Bruxelles. L'Agence européenne de sécurité des aliments devra se prononcer sur le dossier français. La France rejoint l'Autriche, la Hongrie et la Grèce, qui ont également activé cette clause.

Le choix du gouvernement intervient après une semaine de confusion. Retour sur l'imbroglio des derniers jours.

Mardi 8 janvier, 11 heures : Nicolas Sarkozy prend les devants. "Si la Haute autorité sur les OGM, qui se prononce demain, soulève des doutes sérieux sur les OGM actuellement cultivés en France, je suis disposé à recourir à la clause de sauvegarde", dit le chef de l'Etat. Les mots ont été choisis avec le ministre de l'écologie, Jean-Louis Borloo, qui joue sa crédibilité. La suspension du MON 810 fait partie des promesses du Grenelle de l'environnement, comme la loi sur la coexistence entre les cultures, ainsi que la création d'une Haute autorité sur les OGM pluridisciplinaire et ouverte aux socioprofessionnels. Mais le ministre rencontre de grosses résistances. Les pro-OGM - semenciers et céréaliers de la FNSEA - mobilisent leur réseau. M. Borloo est désormais certain que sa position sera suivie, contre celle de François Fillon et du ministre de l'agriculture, Michel Barnier, qui préféreraient temporiser.

16 heures : Jean-Louis Borloo surprend. Le ministre de l'écologie annonce aux sénateurs le report de l'examen du projet de loi sur les OGM, qui était imminent. Les pro-OGM sonnent l'alarme. Le gouvernement s'était engagé à faire adopter une loi avant les élections municipales... et les semis de maïs, en avril. La date du 5 février sera finalement fixée, à la demande expresse de M. Barnier.

21 heures : interrogations autour du buffet. Après la projection du film écologiste de Leonardo DiCaprio à l'Assemblée nationale, des exégètes interprètent le report de la loi. Si on ne légifère plus dans l'urgence, avant les semis, cela veut dire que la clause de sauvegarde est inévitable : le MON 810 interdit, il n'y aura plus d'OGM à semer. "José Bové va pouvoir recommencer à manger demain", lance un élu.

Mercredi matin : ambiance crispée à la Haute Autorité. La phrase de Nicolas Sarkozy et le report de la loi tournent dans les têtes. Le député Philippe Martin (PS, Gers) prend la parole : "La décision politique est déjà prise, le comité risque d'être instrumentalisé", dit-il en substance. Une heure de discussion sur ce thème suit, dans une ambiance tendue. La journée ressemble à un marathon. Le texte de l'avis est épluché ligne à ligne. La mention de "doutes" est débattue et écartée, au motif qu'elle ne relève pas du langage scientifique. Le texte évoque des "faits scientifiques nouveaux" et des "interrogations".

19 heures : on reparle de "doutes sérieux".

Avec deux heures de retard, Jean-François Le Grand présente l'avis : " Il y a des éléments scientifiques nouveaux. Il y a des doutes sérieux" sur le MON 810, déclare-t-il. La "décision officielle" sera annoncée "d'ici 24 à 48 heures", souligne M. Borloo, sans en dire plus. M. Sarkozy a demandé communication du texte. Il a assuré au président de la FNSEA, Jean-Michel Lemétayer, reçu l'après-midi même à l'Elysée, qu'il prendrait le temps suffisant avant toute décision.

Jeudi 10 janvier : échanges de courriels. Les membres de l'Autorité entendent en boucle les "doutes sérieux" dans les médias. Hervé Guyomard, économiste à l'INRA, envoie un courriel aux autres participants évoquant "l'impression d'instrumentalisation".

"Selon moi, écrit-il, il y a matière à un correctif public rappelant exactement les termes écrits de notre projet d'avis". La quasi totalité du comité scientifique le signera. Beaucoup reprochent à M. Le Grand de ne pas avoir respecté les formes en ne distinguant pas le contenu de l'avis de sa propre appréciation. Certains pensent que le travail a été mené trop vite sur le fond, et que les critères de l'expertise collective ne sont pas respectés. Tous veulent rester dans leur rôle d'experts qui éclairent les politiques, mais ne tranchent pas.

Midi : feu sur la Haute Autorité.

Pour le président de l'Assemblée Bernard Accoyer, la Haute Autorité "a été nommée avec peut-être un peu de précipitation".

Il réclame des expertises "indiscutables". Dans l'après-midi, les communiqués des céréaliers et semenciers pleuvent, évoquant une "présentation biaisée", une synthèse "préfabriquée". "Les scientifiques voulaient éviter d'être utilisés par un camp, ils l'ont été par l'autre", commente un membre de l'Autorité. Le sénateur Le Grand affirme que le travail mené a été "honnête, sincère et vrai" et condamne les "lobbies" à l'oeuvre selon lui.

Gaëlle Dupont et Hervé Kempf

Le Monde

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