segunda-feira, 24 de setembro de 2007

Fini l'esbroufe : L'Élysée et Matignon divergent sur l'économie

Moins de cinq mois après son élection à la présidence de la République, l'heure des comptes a sonné pour Nicolas Sarkozy. Le gouvernement doit adopter, mercredi 26 septembre en conseil des ministres, son projet de budget pour 2008, qui est de plus en plus difficile à tenir en raison du ralentissement de la croissance. Pis, il se confirme que les comptes de la sécurité sociale enregistreront en 2007 des pertes abyssales : 12 milliards d'euros environ.

Cette somme est du même ordre de grandeur que le paquet fiscal de 15 milliards d'euros sur les droits de succession et les emprunts immobiliers, adopté cet été, qui devrait profiter aux Français les plus fortunés.

Dans ce contexte, l'équipe gouvernementale diverge sur la politique économique à suivre. D'un côté, Nicolas Sarkozy et ses collaborateurs de l'Elysée rêvaient d'un choc économique et fiscal, qui leur permettrait de tenir les promesses électorales et d'avoir la marge de manoeuvre pour financer des réformes délicates. De l'autre, on retrouve les partisans d'une politique plus orthodoxe fondée sur l'offre et la restauration de la compétitivité française, à l'instar de François Fillon et de sa ministre des finances, Christine Lagarde, soutenus par les partenaires européens de la France et la Banque centrale européenne. Avant l'été, les deux camps pensaient que la croissance permettrait de tout faire à la fois et de masquer les divergences. Avec le ralentissement économique, la crise immobilière qui traverse l'Atlantique et l'aggravation des déficits, cette formule magique est impossible. L'été signe la fin de l'état de grâce. Selon le baromètre Ifop pour Le Journal du dimanche, la cote de M. Sarkozy chute de 8 points, à 61 % en septembre, et celle de M. Fillon recule de 7 points, à 56 %. L'heure des choix semble nécessaire.

Christine Lagarde, la ministre des finances, a été la première, dès le 2 septembre, à tirer la sonnette d'alarme en évoquant "un plan de rigueur" pour l'Etat. Elle est depuis mal vue à l'Elysée.

François Fillon, lui, la soutient de facto. Vendredi 21 septembre, en Corse, le premier ministre a évoqué "la faillite" de l'Etat et promis "de ramener le budget de l'Etat en équilibre avant la fin du quinquennat".

François Fillon est-il chargé par le président de préparer les esprits à un éventuel changement de cap ? Il passe, comme ses prédécesseurs avant lui, par la critique du "bilan". Le premier ministre a aussi trouvé un mot politiquement correct pour habiller la rigueur : la "rupture", chère au candidat Sarkozy. Lundi, sur RTL, il a promis en matière budgétaire "la mise en oeuvre de la rupture à laquelle Nicolas Sarkozy nous a appelés" et notamment " (la suppression) des politiques publiques qui ne sont pas efficaces".

Eric Woerth, le ministre du budget, qui avait été désavoué au printemps pour avoir cherché à limiter le coût des déductions fiscales sur les emprunts immobiliers, continue aussi de sonner discrètement l'alarme. "On saura le 21 décembre, avec le versement de l'acompte sur l'impôt sur les sociétés, si on est dans les clous", confie au Monde le ministre. De même, il estime qu'"on ne peut plus rester dans le système de protection sociale tel qu'il existe aujourd'hui. C'est la dérive des continents !"

Parmi les opposants à la rigueur, Nicolas Sarkozy ne semble pas encore avoir renoncé à la politique de relance engagée au début de son quinquennat. Il compte sur l'effet des mesures sociales (heures supplémentaires, déduction des intérêts d'emprunt) pour desserrer la contrainte de l'économie et sur les mesures structurelles (retraites, contrat de travail) pour donner des gages à Bruxelles. "C'est justement parce que ça va mal que je veux réformer tout de suite", a-t-il dit pour justifier cette course de vitesse. Le président réclame du temps. "La croissance, il faut aller la chercher. 2007, je n'y suis pour rien. 2008, on va essayer de la doper. 2009, ce sera mon budget". Mais il touche du doigt la quadrature du cercle budgétaire. "Où est-ce qu'on le trouve l'argent ? Je ne le fabrique pas", a-t-il lancé pour défendre les franchises médicales.

A l'Elysée, le secrétaire général, Claude Guéant, qui avait critiqué en direct les propos de Mme Lagarde sur la rigueur, est le gardien de la politique présidentielle. Henri Guaino, plume de M. Sarkozy, reste partisan d'une politique favorisant à la fois l'offre et la demande.

Les grands ministères dépensiers oscillent entre demandes de crédits et rigueur. Xavier Darcos, ministre de l'éducation nationale, fait habilement de la résistance. Il a obtenu de s'affranchir de la règle du non-remplacement d'un départ à la retraite sur deux. "Il est allé voir Sarkozy en plein coeur de l'été en le mettant en garde contre les 200 fermetures de classe par circonscription si on maintenait l'objectif...", dénonce un de ses collègues. "Il y a un moment où il faudra des crédits", a déclaré M. Darcos, à propos de la revalorisation du métier d'enseignant.

A la défense, Hervé Morin a préparé les esprits et mis en garde les militaires contre l'inflation des programmes d'armement.

L'UMP s'interroge aussi. Patrick Devedjian, le secrétaire général délégué de l'UMP, qui avait jugé début septembre "inappropriés" les termes utilisés par Mme Lagarde évoque désormais "une nécessaire rigueur sur la dépense publique". Mais, explique-t-il au Monde, "il ne s'agit pas d'être alarmiste, car l'économie c'est aussi de la psychologie. Quel message envoyer au pays ? Un message d'encouragement ou de découragement ?" "Il faut à la fois une politique de l'offre et une politique de rigueur, il faut jouer de l'accélérateur et du frein", précise-t-il.

Le groupe parlementaire est plus clairement partisan de la rigueur. Il a choisi de mettre la pression sur le gouvernement et compte relancer, en ouverture du débat budgétaire, le débat sur la TVA sociale, avec la publication lundi du rapport Chartier qui prône une TVA emploi.

Christophe Jakubyszyn et Arnaud Leparmentier

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