sábado, 13 de outubro de 2007

Aribert Heim : une affaire classée


L e docteur Aribert Heim figure en deuxième position sur la liste des dix criminels de guerre nazis les plus recherchés, publiée en 2006 par le Centre Simon-Wiesenthal. Il est seulement devancé par Aloïs Brunner, l'adjoint d'Adolf Eichmann, vraisemblablement mort en Syrie, il y a plusieurs années. La capture de celui que l'on surnommait "Doctor Tod" (Docteur la Mort), responsable de l'assassinat de milliers de juifs et de résistants espagnols au camp de concentration de Mauthausen, reste un enjeu majeur. Efraïm Zuroff, le patron du Centre Simon-Wiesenthal, vient encore de lancer une vaste campagne, baptisée "opération de la dernière chance". Son objectif : traquer les derniers criminels nazis.

Heim a disparu depuis 1962. La police allemande s'apprêtait alors à arrêter ce paisible père de famille, gynécologue à Baden-Baden. Il a pu quitter à la hâte son domicile après avoir reçu un coup de fil d'un ami haut placé. Heim aurait été depuis aperçu en Egypte, travaillant pour la police de Nasser. En Uruguay, dans un sanctuaire d'anciens SS exfiltrés.

En 1985, la police de Stuttgart croit savoir qu'il se serait réfugié en Amazonie. La chasse s'est poursuivie en Espagne, à Ibiza. En 2005, Heim était donné résident au Chili. La police criminelle du Land de Bade-Wurtemberg a lancé la même année un nouvel avis de recherche assorti d'une récompense de 130 000 euros. En juillet, l'Autriche, d'où est originaire Aribert Heim, a promis une prime de 50 000 euros pour sa capture.

LA CHOUETTE

Cet avis de recherche n'a plus lieu d'être. C'est ce que révèle Danny Baz dans un ouvrage autobiographique, Ni oubli ni pardon. Au coeur de la traque du dernier nazi, que publieront les éditions Grasset le 16 octobre. Aribert Heim serait mort fin 1982, capturé au Canada, "jugé" et exécuté à l'île de Santa Catalina au large de la côte californienne, par une organisation clandestine et illégale, La Chouette. Celle-ci avait pour mission de traquer et d'arrêter les derniers grands criminels nazis réfugiés clandestinement en Amérique du Nord et du Sud.

Danny Baz est un colonel de l'armée de l'air israélienne, spécialiste des opérations commando et des missions secrètes. Il était aussi l'un des membres de La Chouette, tous fils ou petits-fils de survivants de la Shoah. Parmi ses camarades, certains étaient d'anciens commandos du Vietnam. Beaucoup occupaient, au moment des faits, des responsabilités au sein de l'administration américaine. Ils connaissaient la présence de criminels nazis sur le territoire américain.

Le mot d'ordre de La Chouette est "Souviens-toi, ne pardonne pas, poursuis-les pas à pas". Ce qu'elle fera jusqu'à sa dissolution, à la fin des années 1980, une fois son objectif principal atteint. Elle a ainsi exécuté durant cette période des membres du "peloton de choc 5" qui massacrèrent les juifs des Balkans, ainsi que des affidés du groupe hongrois des Croix fléchées, soutien actif de la politique hitlérienne, qui se livra au massacre des juifs de Budapest à l'automne 1944. L'élimination d'Heim restera leur grand fait d'armes.

Pourquoi cette cible-là ? Le choix s'explique par le parcours du patron de La Chouette. C'est un rescapé des camps qui a fait fortune dans le pétrole, au Texas et en Alaska. Il finance cette chasse par tranches symboliques de 6 millions de dollars. Surnommé "Barney" dans le livre - l'identité des membres de l'organisation n'y est jamais divulguée -, il a subi les sévices du docteur Heim.

Entre octobre et novembre 1941, le médecin a passé sept semaines au camp d'extermination de Mauthausen. Il y a pratiqué la vivisection, sans anesthésie, sur des détenus, leur retirant les organes l'un après l'autre, pour noter leur temps de survie. Le "boucher de Mauthausen" sera arrêté le 15 mars 1945 par les Américains. Il fait deux ans de travaux forcés dans une saline. Il est curieusement relâché en 1947, tandis que les autres médecins de Mauthausen ont été jugés et, pour la plupart, exécutés. La seule explication tient au contexte nouveau de la guerre froide. La traque des agents d'Hitler n'est plus une priorité. Certains ont obtenu l'immunité en échange d'informations.

"SIFFLER LA FIN DE LA PARTIE"

Le livre de Danny Baz peut susciter la défiance. Pourquoi avoir attendu vingt-cinq ans pour annoncer la liquidation de celui qui était, hier encore, le plus célèbre criminel nazi vivant ? La nécessité de garder le secret et l'anonymat des membres de l'organisation, liés pour certains à la CIA ou au FBI, et donc en porte à faux avec la loi américaine, est le principal argument avancé par Danny Baz. Il défie quiconque de lui prouver qu'Heim est toujours vivant. Ce dernier aurait fêté ses 93 ans au moins de juin. Un âge très avancé pour continuer à courir le monde comme il est censé le faire depuis 1962. "Il est temps de siffler la fin de la partie, écrit Baz. Quarante-cinq ans de cavale font de cet homme un sérieux candidat au livre des records." Pour Danny Baz, la légende d'un Aribert Heim insaisissable a été alimentée par les réseaux qui ont protégé sa fuite. Ils ne pouvaient annoncer la mort de leur protégé sans se dévoiler.

Le récit minutieux de cette traque semble probant. Il apporte des éléments sur les circuits financiers qui ont permis aux criminels nazis de s'en sortir. Heim possédait un immeuble d'habitation à Berlin, dont il tirait toujours des revenus en 1978-1979, collectés par sa soeur Herta. N'ayant pas été déclaré officiellement mort, il continue toujours de toucher sa retraite. Sur son compte, dans une filiale de la banque Berliner Sparkasse, dort 1,2 million de dollars. Danny Baz en donne même le numéro (0063282107).


"Ni oubli ni pardon. Au coeur de la traque du dernier nazi", de Danny Baz. Editions Grasset (sortie le 16 octobre). 317 p., 16,90 €.

Samuel Blumenfeld - Le Monde

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