sábado, 13 de outubro de 2007

Gustave Courbet, un peintre radical



Le Monde

Gustave Courbet (1819-1877) est l'inventeur du réalisme en peinture. Il assénait cette notion à ses adversaires et l'histoire l'a si bien reprise que son nom et le mot sont devenus indissociables.

Vite, dans la rétrospective en cent vingt oeuvres - et soixante photographies à titre de comparaison - magnifiquement conçue par Laurence des Cars et Dominique de Font-Réaulx, les manifestes de ce réalisme sont là. Un enterrement à Ornans de 1850, Les Cribleuses de blé et Les Baigneuses de 1853 et L'Atelier de 1855 : dès leur apparition, chacune de ces toiles suscite des débats politiques, moraux et esthétiques. Faire de la vie paysanne ou des obsèques d'un villageois des tableaux aux dimensions habituellement réservées jusqu'alors à la peinture religieuse et historique est une décision révolutionnaire, comme l'a été celle de Géricault mettant en chantier Le Radeau de la Méduse.

Le monde contemporain prend possession de l'art. Il y introduit son actualité, ses costumes, ses moeurs. Plus de mythes, de sacré, de beauté idéale : du vrai, de l'observé, du vérifié. Plus de pudeur non plus : peindre le nu, c'est aller jusqu'à L'Origine du monde en n'omettant aucun épisode du déshabillage et de la réalité physique de l'amour.


L'origine du monde
"L'origine du monde", 1866, huile sur toile, 46 x 55 cm,  Paris, musée d'Orsay. | Hervé Lewandowski/RMN
Portfolio
Gustave Courbet, l'inventeur du réalisme en peinture
Le Grand Palais propose, du 13 octobre 2007 au 28 janvier 2008, une rétrospective de l'œuvre de Gustave Courbet à travers 120 peintures, une trentaine d'œuvres graphiques et 60 photographies.


La démonstration par l'accrochage est impeccable. Elle établit comment Courbet, de manière systématique, transforme tous les genres de peinture ou radicalise des transformations engagées depuis le début du siècle.

Ainsi le paysage, auquel est consacrée une section d'autant plus convaincante qu'elle se double d'un parallèle très précisément construit entre Courbet et les photographies de Le Gray, Le Secq ou Davanne. Ce que Corot et Constable ont entrepris, Courbet l'achève. Disparues les ruines métaphysiques, finis nymphes et centaures. L'étude d'un site en appelle à des éléments de topographie, de géologie, de botanique ou de météorologie.

Courbet ne peint pas "la montagne", mais les entablements calcaires du Jura, les plis d'un anticlinal et une résurgence. Il ne peint pas "des arbres", mais des chênes, des hêtres et des bouleaux. Ni "la mer", mais la marée montante, par petit ou gros temps en Manche, ou la Méditerranée et les étangs de la côte languedocienne. Même attention pour les différentes formes de nuages, les effets visibles du vent et de la pluie.

Appliquée à la nature morte, cette réforme exige que les truites aient encore le fil enfoncé dans la gueule et du sang aux ouïes. Appliquée aux scènes animalières, elle veut que les viscères du rongeur dévoré par un renard se détachent en rose sur le blanc de la neige. Dans les portraits, cette précision maniaque se déchaîne. Passés les autoportraits pathétiques autour de 1840, commence le temps des physionomies examinées in extenso.

Courbet dévisage et transcrit. Elle ou il garde son nez pincé ou rond, ses bajoues ou son double menton, son regard vide ou tricheur. Il n'y a rien à attendre de la galanterie ou de l'amitié, pas même de la tendresse habituellement accordée aux enfants. Les Trois Jeunes Anglaises à la fenêtre est une toile impassible. Les conventions morales et sociales ne pèsent pas lourd face à ce desir obsessionnel de vérité. Il y a, dans bien des toiles, une volonté tendue, de l'acharnement même. La peinture de Courbet dit "je dois".

L'exécution de ce devoir suppose qu'il prenne des risques insensés, par exemple une scène dans la neige de cinq mètres de long - L'Hallali du cerf - et une réputation de pornographe à cause du Sommeil saphique et du Nu au perroquet.

Mais elle suppose aussi une qualité qui se vérifie quel que soit le motif : la prodigieuse aisance avec laquelle Courbet représente la fourrure du renard, la chevelure de Jo la belle Irlandaise et la toison pubienne de L'Origine du monde. Et, tout autant, les différents types de calcaires et de marnes à la Roche pourrie, la profondeur et la couleur de la Loue sortant de sa grotte, la texture d'une feuille ou d'un pétale, l'écume un peu grasse de la mer barattée par le vent.

Il y a dans l'exposition des toiles, très simples en apparence, à étudier morceau par morceau pour essayer de comprendre comment fonctionne l'oeil de Courbet, comment il différencie les plans et solidifie les volumes rien qu'en posant, jetant, écrasant ou lissant des couleurs à l'huile à petits gestes, que l'on imagine courts et appuyés. L'Orée du bois, Souvenir des cabanes, plusieurs versions de La Vague sont de telles énigmes.

Mais une toile plus qu'aucune autre a ce pouvoir de fascination. Un cavalier, dans une lumière grise, observe des traces de pas et de sang sur la neige. On y verrait volontiers une allégorie de Courbet, chasseur obstiné et solitaire de tous les signes visibles du monde.

Un nu miraculé et très désirable

Sa réapparition inespérée (Le Monde du 27 septembre) en fait l'une des stars de l'exposition. La Femme nue couchée de 1862 retrouve après bien des péripéties L'Origine du monde, près de laquelle elle fut accrochée à Budapest, dans la collection du baron Ferenc Hatvany, jusqu'en 1942. Restituée en 2005 aux héritiers anglais du baron, la toile a été classée "oeuvre d'intérêt patrimonial majeur" par la France. Un mécène qui l'achèterait pour le Musée d'Orsay serait remercié par une déduction fiscale de 80 %. Il lui en coûterait 11 millions d'euros. Au regard du marché, de l'importance de Courbet et de la qualité de la toile, le prix n'a rien d'excessif.

"Femme nue couchée", de Gustave Courbet, huile sur toile, 1862. | RÉUNION DES MUSÉES NATIONAUX

RÉUNION DES MUSÉES NATIONAUX
"Femme nue couchée", de Gustave Courbet, huile sur toile, 1862.




"Courbet" au Grand Palais, 3, avenue du Général-Eisenhower, Paris-8e, tél. : 01-44-13-17-17. Du mercredi au lundi, de 10 heures à 22 heures ; jeudi jusqu'à 20 heures. Jusqu'au 28 janvier 2008. 10 €.

Catalogue RMN, 4 72 p., 49 €.

Courbet, Hors-sérieTélérama, 100 p., 7,90 €.

Philippe Dagen

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