quarta-feira, 1 de agosto de 2007

L'Internet à très haut débit pour tous coûtera des milliards d'euros

Les Français qui veulent s'abonner à des offres d'accès Internet à haut débit ont aujourd'hui l'embarras du choix. En sera-t-il de même avec le "très haut débit" que permettra de transporter la fibre optique en train d'être déployée dans les grandes villes ?

Pas sûr. C'est en tout cas la crainte de l'Arcep, le gendarme français des télécommunications. Afin de prévenir la réapparition d'un monopole, dix ans après l'ouverture du secteur à la concurrence, l'autorité multiplie les interventions. Elle a lancé, jeudi 26 juillet, deux consultations publiques sur le sujet.

La compétition pour offrir du très haut débit aux foyers hexagonaux prend forme. Ces derniers mois, quatre opérateurs privés ont déclaré vouloir se doter de réseaux optiques. Free, le premier à sortir du bois, a annoncé un investissement d'un milliard d'euros d'ici à 2012. France Telecom l'a suivi, avec 270 millions d'euros sur dix-huit mois. Numericable et Neuf Cegetel y consacreront 300 millions d'euros chacun.

Ces industriels parient sur le fait que leurs abonnés à l'ADSL ont pris goût aux applications rendues possibles par le haut débit et qu'ils sont prêts à payer pour plus de débit encore. Pour Yves Gassot, directeur général de l'Institut Idate, " la technologie ADSL a permis des débits ouvrant l'accès aux offres "triple play" (téléphonie-web-télévision). Ces usages croissants, et les usages des applications web2.0 (chargement de ses vidéos sur son blog...) font apparaître ses limites. Le développement de la télévision haute définition va aussi renforcer ces contraintes".

Mais se doter d'un réseau optique ex-nihilo est un chantier colossal. Il ne s'agit certes pas de reconstruire une "toile d'araignée" à l'échelle nationale. Une grande partie du réseau téléphonique construit dans les années 1970 par l'administration des postes et des télécommunications est déjà en fibre optique et peut être réutilisée. Mais les centaines de mètres qui séparent chacun des 12 000 répartiteurs téléphoniques des abonnés restent en cuivre. La technologie ADSL a permis de pousser ces fils de cuivre au maximum de leur capacité, mais pour transporter du très haut débit, c'est cette "boucle locale" (300 000 kilomètres), qu'il s'agit désormais de "fibrer". "C'est un chantier à plusieurs milliards d'euros, digne du TGV", glisse-t-on à l'Arcep.

"MATÉRIEL ACTIF"

Des investissements inabordables pour les opérateurs en lice. Sauf pour France Télécom, qui possède la boucle locale en cuivre et peut se contenter, pour passer au très haut débit, d'acheter la fibre et du "matériel actif" (routeurs, concentrateurs, commutateurs...). Et dans une moindre mesure pour Numericable, l'opérateur du câble en France, qui possède environ 60 000 km de fourreaux.

Du coup, pour l'instant les industriels déploient leurs réseaux là où l'investissement est minimal : surtout à Paris, au centre de Lyon et de Marseille, seules villes de France à disposer d'égouts visitables où les fibres peuvent être "tirées" facilement. France Télécom revendique 2 000 clients à son offre (44,90 euros/mois, avec 100 mégabits/s en réception et 10 en émission). Free, qui n'a pas lancé la sienne, promet du très haut débit au prix de l'ADSL (29,90 euros/mois).

Comment rendre possible la concurrence en dehors de ces îlots urbains privilégiés ? L'Arcep souhaite une "mutualisation" des infrastructures. C'est le sens de la première de ses deux consultations du 26 juillet. Il s'agit que France Télécom ouvre son réseau à ses concurrents pour les laisser tirer leurs propres fibres à un prix raisonnable. Il y a aussi un risque de constitution de "poches" de monopoles par immeubles. Pour amener la fibre jusqu'aux abonnés, les opérateurs doivent décrocher le feu vert des propriétaires. Or, il est peu probable que ces derniers acceptent de les voir tous défiler avec leurs équipes. Ils n'en laisseront probablement passer qu'un. L'Arcep souhaite que les opérateurs parviennent à s'entendre (c'est le sens de sa deuxième consultation de jeudi), pour que le premier entré dans l'immeuble ouvre son accès aux autres.

Les opérateurs savent qu'ils devront se mettre d'accord. Mais sur le terrain, la guerre a déjà commencé. Il s'agit d'installer le plus de fibre possible pour négocier en position de force. Mi-juillet, Free a été condamné par la cour d'appel de Paris pour des brochures envoyées à des syndics comportant le logo de la mairie de Paris et prétendant que le raccordement à la fibre était obligatoire...

Ces accords de mutualisation, s'ils sont signés, résoudront le problème dans les grandes villes, où les opérateurs peuvent rentabiliser plus vite leurs investissements. Mais quid du reste du pays ? La question de la fracture numérique ne devrait pas manquer de se poser. Le réseau téléphonique a été financé par l'argent public et des péréquations (les zones denses payant pour les autres). Les réseaux des opérateurs de téléphonie mobiles ont aussi été en partie financés par le surcoût des appels des téléphones fixes vers les mobiles. Faudra-t-il imaginer des mécanismes similaires pour amener le très haut débit partout ? "On n'y est pas encore, la fibre est un chantier de très longue haleine", argue-t-on à l'Arcep.

LEXIQUE

BAS DÉBIT :
jusqu'à 1 mégabit par seconde (Mbit/s). En France, il est supporté par les deux fils de cuivre du téléphone. Avec 1Mbit/s, on peut télécharger rapidement des images compressées.

HAUT DÉBIT :
entre 1 et 10 Mbit/s. Il est transporté sur le réseau du câble (du cuivre coaxial) ou, grâce à la technologie ADSL, sur le réseau téléphonique existant. Avec 10 Mbit/s, il est possible de recevoir des vidéos en temps réel.

TRÈS HAUT DÉBIT :
entre 10 et 100 Mbit/s. Il pourra être transporté par la fibre optique. A 100 Mbit/s, les applications actuelles connues sont utilisables simultanément. En laboratoire, il est désormais possible de transporter plusieurs térabit/s (1 000 milliards de bits/s) sur de la fibre optique.


La Ville de Paris installe l'Internet sans fil gratuit


La Mairie de Paris a lancé, depuis deux semaines, un service "Paris Wi-Fi", qui propose l'Internet sans fil gratuit dans les bibliothèques, les parcs et les musées du domaine municipal. Au total, 400 bornes devraient être en service fin septembre. Il sera ainsi possible de se connecter gratuitement à une borne Wi-Fi dans 134 sites en plein air (jardins et parcs parisiens, parvis d'édifices municipaux), ainsi que dans 128 services de la municipalité. Le service a été lancé alors que France Télécom a déposé un recours devant le tribunal administratif pour excès de pouvoir, mettant en cause la légitimité de la Ville de Paris d'intervenir sur le marché des télécommunications. Dans le cadre du réseau "Paris Wi-Fi", un appel d'offres a pourtant été lancé, auquel France Télécom a participé. Mais il a été remporté, en février, par SFR et Alcatel-Lucent. Le maire (PS) de Paris, Bertrand Delanoë, veut donner à sa ville un statut de "capitale numérique". Il souhaite assurer, d'ici à 2010, l'accès de 80 % des immeubles parisiens au très haut débit grâce à la fibre optique et permettre la couverture totale de Paris en Wi-Fi et Wi-Max (technologie par ondes radio).


Cécile Ducourtieux
Article paru dans l'édition du 31.07.07. Le Monde

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