domingo, 10 de junho de 2007

La majorité présidentielle plébiscitée, le nouveau calendrier électoral sanctionné

Une élection sanctionnée. Après avoir frôlé le record de la participation à une élection présidentielle il y a un mois, la France enregistre un record absolu d'abstention pour une élection législative sous la Ve République. Après l'engouement des électeurs pour le débat public qui a marqué la campagne présidentielle de 2007, il serait cependant excessif de parler de désaffection démocratique ou de crise civique. Ce sont les "nouvelles élections législatives" que les électeurs ont sanctionnées en s'abstenant massivement. Avec la réforme du quinquennat et l'inversion du calendrier électoral, ces élections qui se tiennent dans la foulée de l'élection présidentielle sont désormais ressenties comme une formalité destinée à donner une majorité au gouvernement.


Pour la droite, l'amplification de la présidentielle. Nicolas Sarkozy est assuré de disposer d'une large majorité. Avec un score d'environ 43 %, l'UMP et ses alliés (40,9 % pour l'UMP et 2,2 % pour le Nouveau Centre) remportent une large victoire en voix qui amplifie considérablement le score de leur candidat au premier tour de la présidentielle (31,2 %). C'est à la fois la traduction de l'état de grâce qui a caractérisé les premier pas du nouveau président, la confirmation d'un choix cristallisé à l'occasion d'une très longue campagne et l'amplification logique de sa victoire liée au mode de scrutin majoritaire. La popularité de Nicolas Sarkozy depuis son élection combinée à sa stratégie d'occupation tous azimuts de l'espace politique dès les premiers jours de sa présidence ont rencontré dans l'opinion un accueil favorable que les résultats du premier tour viennent confirmer. La passion et l'intérêt qui ont accompagné la longue campagne pour l'élection présidentielle autour des projets des candidats ont surtout permis aux électeurs d'effectuer un vrai choix politique ; la cristallisation issue de ce processus ne pouvait être remise en cause à l'occasion de ces élections législatives.

La gauche historiquement faible.
Avec un total de 36 % des voix, la gauche parlementaire (PS-PC-Verts et divers gauche) se situe paradoxalement à un niveau très faible pour des élections législatives mais améliore néanmoins de près de 7 points son score par rapport au premier tour de la présidentielle (29,1 % pour le total des voix de Royal, Buffet et Voynet). Le Parti communiste, avec 4,5 % (contre 1,9 %), fait la meilleure opération grâce à sa bonne implantation locale. Le Parti socialiste, avec un score de 28,5 %, améliore très légèrement le score de Ségolène Royal (25,9 %) mais se situe proche de son résultat aux législatives de 2002, qui avait suivi le séisme du 21 avril 2002 (28 % des suffrages exprimés). Stable voire en léger progrès électoralement, mais défaite politiquement, la gauche parlementaire profite naturellement du mode de scrutin majoritaire qui marginalise les petits courants mais subit la vague bleue qui accompagne la victoire de la droite à la présidentielle. Elle est handicapée par un niveau global historiquement faible : avec 39 % – en comptant l'extrême gauche – contre 36 % à la présidentielle de mai, la gauche aborde en position défavorable le second tour et les prochaines échéances, se trouvant contrainte de composer avec un centre qui même faible lui barre désormais la route à toute victoire sans une nouvelle définition de sa ligne et de ses alliances.

Le Modem, siphonné mais vivant.
Avec 7 % des suffrages exprimés pour le MoDem, François Bayrou échoue en partie à implanter dans le paysage politique l'existence d'un centre autonome. Son faible enracinement local et la logique majoritaire des législatives lui interdisent de jouer le rôle de troisième force que son score à l'élection présidentielle faisait miroiter (18,7 %). En cinq semaines, le Mouvement démocrate a perdu près de cinq millions de voix par rapport au socle électoral du candidat béarnais, dans un scrutin certes moins mobilisateur et difficile pour une formation émergente. Preuve que le succès de Bayrou ne résidait pas seulement dans son positionnement mais aussi dans une équation personnelle que les candidats fraîchement investis du MoDem n'ont pas su imposer dans leur circonscription respective. Faute de trouver une traduction en sièges parlementaires, l'influence de François Bayrou sur la vie politique au cours des cinq prochaines années sera limitée. Il devra trancher l'aporie d'une ligne autonome dans un paysage fortement polarisé qui profite à un homme lors de l'élection présidentielle mais qui n'assure pas d'élus dans sa foulée. En revanche, sa présence électorale, faible mais réelle, reste une force de nuisance surtout pour la gauche, qui se doit de trouver une solution à son existence comme la droite avait dû le faire à propos du Front national.

Le Front national étranglé.
La rebipolarisation du paysage politique et l'accentuation de la victoire de l'UMP ont fait une autre victime : le Front national, qui recule de plus de cinq points par rapport au score de Jean-Marie Le Pen à l'élection présidentielle, recueillant son résultat le plus faible depuis sa percée électorale au milieu des années 1980. Le voilà ramené à des scores jamais enregistrés depuis plus de vingt ans, qui confirme l'essoufflement de la dynamique Le Pen. Le FN est certes habitué aux reflux liés au système majoritaire : à chaque législative, il perd environ un tiers de ses suffrages. Aujourd'hui il perd la moitié de son socle présidentiel, se repliant sur le noyau dur de l'extrême droite (Tixier-Vignancourt avait obtenu 5 % des voix à l'élection présidentielle de 1965). Le résultat de Nicolas Sarkozy le 22 avril avait contenu Jean-Marie Le Pen. La domination de l'UMP étrangle aujourd'hui le FN.

Philippe Chriqui et Pierre Christian, expression-publique.com pour lemonde.fr

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