domingo, 27 de maio de 2007

"4 mois, 3 semaines et 2 jours"


Cristian Mungiu est un cinéaste roumain de 39 ans, dont le troisième film, 4 mois, 3 semaines et 2 jours, en compétition à Cannes, est d'une âpreté qui ne se dédommage d'aucune rédemption. Sa grandeur consiste à regarder son sujet sans ciller. Soit l'histoire de l'avortement clandestin d'une jeune femme dans les dernières années du communisme, en 1987, dans une Roumanie où cet acte illégal depuis 1966 fut pratiqué en masse, causant la mort de plusieurs milliers de femmes.

Celle qui nous intéresse ici se nomme Gabita. C'est une étudiante jolie et frêle, qui partage sa chambre avec une amie, Otilia, dans une résidence universitaire. Le film la découvre, tendue et transie, préparant sa valise sous l'oeil attentif d'Otilia. Autour, dans les couloirs et chambrées, filles et garçons se livrent allégrement au marché noir, faisant monter les enchères pour un paquet de Kent. Dès ces plans d'ouverture, sans que rien ne soit pourtant exprimé, le film installe une atmosphère d'oppression et de conspiration joyeuse.

Puis on quitte brusquement la résidence pour suivre longuement Otilia en ville. Trajet mystérieux, qui la voit rejoindre son petit ami à l'université et se disputer avec lui, réserver en catimini une chambre d'hôtel auprès de préposés plus kafkaïens les uns que les autres, prendre enfin langue et date avec un inconnu qui l'attend dans sa voiture. Soit un trajet existentialiste, qui ne révèle rien aux spectateurs que ce que les personnages font ou éprouvent eux-mêmes.

Cette approche descriptive, mise en scène en longs plans-séquences, se révèle d'une vertueuse efficacité. Elle soustrait le film au pathos, court-circuite les vaticinations psycho-sociologiques, confère épaisseur et dignité aux personnages, tire l'action vers le thriller, captant le spectateur pour ne plus le lâcher.

Mais Mungiu va plus loin. Il livre, à travers l'intimité d'un drame personnel, la chronique en creux d'un système d'oppression collective. La remarquable scène centrale du film - un insupportable huis clos au cours duquel l'avorteur, prototype du salaud ordinaire, se livre, sous couvert de morale, à un abject chantage sexuel - en désigne le triangle fatal : le pouvoir usurpé (l'avorteur), la peur (Gabita) et l'humiliation (Otilia). Mais aussi bien la résistance spirituelle, l'héroïsme discret de celles qui sacrifient à la tyrannie leur propre corps, comme ultime bastion de la liberté. Leia mais, clique no link.




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