Sarkozy a peur de trop faire peur
Malgré ses efforts pour gommer son image conflictuelle, le candidat UMP exacerbe les clivages et n'a pas réussi à se muer en rassembleur.
artigo do jornal Liberation (França)
Sarkozy à Meaux, vendredi. REUTERS
Par Alain AUFFRAY
QUOTIDIEN : mercredi 18 avril 2007
Sarkozy fait peur. C'est le sujet qui monte. Royal comme Bayrou s'en emparent pour mobiliser. Et en en faisant sa une cette semaine, Marianne fait exploser ses ventes (lire ci-contre). L'UMP dénonce une «campagne ignoble», orchestrée par des socialistes «qui n'ont plus rien d'autre à dire». Mais dans l'entourage du candidat, on reconnaît que l'entreprise de métamorphose engagée par le candidat sur le mode de la «rupture tranquille», en novembre, n'a pas eu le succès escompté. Il s'était pourtant donné du mal, le candidat de l'UMP, pour présenter, sur ses affiches de campagne, le visage rassurant d'un président serein sur fond de paisibles pâturages. Mais devant les bureaux de vote, quelques griffonnages noirs sabotent un peu partout cette image. Car c'est à lui, plus souvent qu'à Le Pen, que des potaches plus bêtes que méchants prêtent une moustache de dictateur.
Quatre années de guerre de tranchée contre les chiraquiens ont laissé des traces. Les proches du chef de l'Etat et de son Premier ministre, Dominique de Villepin, avaient fait de l'instabilité de Sarkozy leur argument massue. Quand le ministre délégué à l'Enseignement supérieur, l'UMP François Goulard (rallié à Bayrou), dépeignait un Sarkozy diviseur à l'ego surdimensionné, il disait ouvertement ce que beaucoup confiaient hors micro. «Il explosera en vol», «son pire ennemi, c'est lui-même», assurait-on en chiraquie. Ses propres amis ne sont pas à l'abri de ses coups de sang. La très dévouée députée UMP de Meurthe-et-Moselle, Nadine Morano, a été du jour au lendemain écartée de la campagne pour une prestation télévisée jugée ridicule, tandis que le fidèle Brice Hortefeux, l'ami de trente-cinq ans déjà mis à l'écart, s'est fait incendier pour avoir proposé la semaine dernière l'instauration de la proportionnelle.
Ce soir, à Issy-les-Moulineaux, Sarkozy tiendra meeting commun avec Simone Veil. C'est sur elle, plus que sur tout autre, que le candidat compte pour se faire reconnaître comme un humaniste tempéré. Raté ! Car, quoi qu'elle dise ce soir, la très populaire ancienne ministre centriste pourra difficilement revenir sur ce qu'elle confiait au début du mois au mensuel Tribune juive. Interrogée sur «le ministère de l'Immigration et de l'Identité nationale», elle répondait : «Pour moi, c'est plus qu'une imprudence. C'est plus grave. Je n'ai pas compris. D'abord, je trouve que la formule qu'il a employée est très ambiguë.» On a vu des soutiens plus chaleureux... Ségolène Royal et François Bayrou ne se privent pas d'en rajouter sur le côté «anxiogène» de leur rival, candidat «des clivages, des conflits, des divisions», qui incarne «la France excitée» selon la socialiste.
A chacun de ses meetings, François Fillon sort, pour rassurer, sa réputation de «gaulliste social». Il explique qu'on peut «décomplexer la droite» sans mener «une campagne droitière». La preuve ? Jeudi, au Mans, le bras droit de Sarkozy s'est présenté entouré de la porte-parole de l'UMP, Valérie Pécresse, de la secrétaire nationale UMP à la francophonie, Rama Yadé, et de la porte-parole de la campagne, Rachida Dati, «figures d'une nouvelle génération politique à laquelle Nicolas Sarkozy a décidé de donner toute sa chance».
Converti plus récent, Jean-Pierre Raffarin bat la campagne en jurant que «le volontarisme de Sarkozy est bien moins brutal que le sectarisme de Royal». Pour contrer l'argument de la peur, selon lui très «parisien», il suggère de faire monter au front Juppé, Borloo, peut-être Giscard, qui diront la «confiance» d'une droite rassemblée. «Sarkozy, c'est un leader mais c'est aussi un négociateur qui ne va pas au blocage», fait valoir l'ex-Premier ministre. L'ex-ministre Pierre Méhaignerie relativise lui aussi l'impact de l'argument de la peur. Ça lui rappelle de vieux souvenirs : avant la présidentielle de 1988, ministre à l'époque UDF sous la cohabitation et supporteur de la candidature de Raymond Barre, il revoit François Mitterrand le prenant à part pour lui expliquer: «Vous, ça va. Mais Chirac, attention, il est dangereux...» C'est justement ce profil de diviseur «dangereux» opposé à un Mitterrand rassembleur qui avait causé la perte du candidat de la droite.
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